L'indemnisation des victimes d'infractions pénalesL’indemnisation du préjudice subi à la suite d’une infraction est bien souvent, à juste titre, au cœur des préoccupations des victimes.
Il n’est cependant pas toujours simple d’identifier ces préjudices et encore moins de les chiffrer. De même, le recouvrement des sommes allouées par les juridictions pénales est parfois déconcertant pour les victimes qui découvrent bien souvent au dernier moment qu’il leur appartient d’engager elles même les démarches visant à obtenir de l’auteur de l’infraction le paiement des dommages et intérêts. La connaissance de certains principes généraux peut donc s’avérer utile pour comprendre le fonctionnement du processus d’indemnisation à la suite d’une infraction pénale. Les préjudices indemnisables
Il existe trois types de préjudices indemnisables à la suite d’une infraction pénale : le préjudice matériel, le préjudice corporel, le préjudice moral.
Selon les cas, une victime pourra invoquer un ou plusieurs de ces préjudices. Quelle que soit sa nature le préjudice doit, pour être indemnisable, réunir trois conditions cumulatives:
1°) Le préjudice matérielLe préjudice matériel correspond à l’atteinte portée au patrimoine de la victime par l’auteur de l’infraction.
Constituent par exemple des préjudices matériels la valeur de remplacement d’un bien volé et non retrouvé ou d’un bien détruit, le prix des réparations d’un bien dégradé, les pertes de salaires consécutives à l’impossibilité de travailler suite à l’infraction et, de manière générale, toute atteinte portée aux biens et au patrimoine de la victime. Afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice matériel, la victime doit impérativement communiquer des justificatifs de sa réalité et expliquer la manière dont elle a pu le chiffrer. Les juges rejetteront en effet toute demande d’indemnisation formulée au titre du préjudice matériel qui ne sera pas appuyée par des justificatifs. 2°) Le préjudice corporelLe préjudice corporel correspond à l’atteinte portée à l’intégrité physique de la victime et aux conséquences de celle-ci.
Ce préjudice est complexe à déterminer et, à ce titre, il est le plus souvent évalué par voie d’expertise. La juridiction saisie peut ainsi, sur demande de la victime, nommer un expert médical en lui fixant une mission visant à évaluer, au vu du dossier médical de la victime et après avoir rencontré celle-ci, l’étendue de son préjudice corporel. C’est sur la base du rapport d’expertise que la juridiction se prononcera sur le montant des dommages et intérêts à allouer à la victime en réparation de son préjudice. 3°) Le préjudice moralLe préjudice moral correspond au choc psychologique et à la souffrance morale endurée par la victime à la suite d’une infraction.
Il est très difficile à évaluer et il n’existe pas de règle en la matière pour procéder à son chiffrage. L’évaluation du préjudice moral dépend généralement de nombreux facteurs tels que la nature de l’infraction subie, la personnalité de la victime, son âge etc. Comme pour les deux autres types de préjudices, il revient à la victime de démontrer par tout moyen la réalité du préjudice invoqué. L’indemnisation dans le cadre du procès pénal et la constitution de partie civileC’est dans la plupart des cas la juridiction chargée de juger l’auteur de l’infraction qui, si elle déclare le prévenu ou l’accusé coupable, fixe le montant des dommages et intérêts alloués à la victime en réparation de son préjudice.
Pour que la juridiction soit appelée à statuer sur l’indemnisation de la victime il faut impérativement que celle-ci intervienne dans le procès pénal. Cette intervention se fait sous la forme de la constitution de partie civile, qui est le nom donné à la victime dans le cadre du procès pénal. La victime peut se constituer partie civile à tout moment jusqu’au jour du procès, elle peut le faire en personne ou par le biais d’un avocat. La constitution de partie civile peut être orale ou écrite. La victime n’a pas l’obligation de comparaître à l’audience et peut s’y faire représenter par un avocat ou bien se limiter à formuler ses demandes par écrit avant celle-ci. Nous conseillons toutefois habituellement aux victimes, lorsque cela est possible, de se présenter devant la juridiction par respect pour celle-ci mais également afin de répondre aux éventuelles questions que les magistrats pourraient avoir concernant les faits en cause ou les préjudices subis. En l’absence de constitution de partie civile et de demandes formulées par la victime la juridiction ne pourra en aucun cas allouer d’office des dommages et intérêts à celle-ci. L’indemnisation en dehors du cadre du procès pénal1°) L’indemnisation devant les juridictions civiles
Si la victime ne se constitue pas partie civile lors de l’audience pénale, par exemple parce qu’elle n’en a pas eu connaissance, elle ne perd pas pour autant son droit à indemnisation.
Elle peut ainsi toujours saisir les juridictions civiles d’une action à l’encontre de l’auteur de l’infraction sous réserve qu’elle agisse dans les limites du délai de prescription civile applicable (en général 5 ans à compter de la commission du fait dommageable, sauf régimes particuliers) et qu’elle démontre que les faits en causes sont constitutifs d’une faute civile. 2°) L’indemnisation devant la Commission d’Indemnisation des Victimes (CIVI)
La CIVI est une commission spéciale siégeant dans chaque tribunal de grande instance dont le rôle est de faciliter l’indemnisation des victimes d’infractions pénales.
La procédure devant la CIVI est totalement autonome par rapport à la procédure devant les juridictions pénales. De ce fait, elle peut être saisie même en l’absence de jugement ou d’arrêt émanant d’une juridiction pénale, par exemple si l’auteur des faits n’a jamais pu être identifié. Elle peut également être saisie en cas de relaxe du prévenu ou de l’accusé afin que la victime, en l’absence de responsable pénal identifié, ne soit pas pour autant laissée sans indemnisation. Le délai pour saisir la CIVI est de 3 ans à compter de la date de l’infraction. Il est prolongé d’un an à compter de la date de la dernière décision ayant statué définitivement sur la culpabilité ou sur la demande de dommages et intérêts formée devant la juridiction pénale. 3°) L’indemnisation du préjudice de la victime par les assurances
Dans de nombreux cas de figure l’indemnisation de la victime pourra être prise en charge par son assureur au titre de dispositions incluses dans ses contrats d’assurance habitation, automobile, protection juridique.
Ainsi la plupart des contrats d’assurance habitation comprennent par exemple des dispositions relatives à l’indemnisation en cas de cambriolage ou de dégradations. Il conviendra dans tous les cas de vérifier les clauses de ses contrats d’assurance afin de confirmer si une prise en charge des conséquences de l’infraction est possible. Le recouvrement des dommages et intérêtsLe rôle de la juridiction pénale est de chiffrer le préjudice de la victime mais elle n’intervient en aucun cas dans le recouvrement des dommages et intérêts alloués. Il appartient ainsi à la victime, une fois la décision définitive rendue, d’engager des démarches pour obtenir de la personne condamnée le paiement de ces dommages et intérêts. C’est le plus souvent l’avocat de la victime qui se chargera de superviser le recouvrement des dommages et intérêts, par la voie amiable tout d’abord, en se mettant en relation avec l’avocat du condamné, ou par la voie de l’exécution forcée en saisissant un huissier de justice. Les frais d’huissier relatifs au recouvrement des dommages et intérêts doivent être avancés par la victime et seront en partie seulement supporté par le condamné si celui-ci est solvable. Lorsque la condamnation est assortie par la juridiction d’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve comprenant l’obligation d’indemniser la victime, le juge d’application des peines contrôlera le fait que la personne condamnée respecte bien cette obligation. Par ailleurs, lorsque la personne condamnée possédait des biens confisqués, il est possible de s’adresser à l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC) afin d’obtenir le règlement des dommages et intérêts à partir du produit de la vente des biens confisqués à l’auteur de l’infraction. |