Censure constitutionnelle de l’article 230-8 du Code de procédure pénale : vers une procédure élargie d’effacement anticipé des données des personnes inscrites au fichier TAJ.
Article publié le 3 octobre 2017 :
Le Conseil constitutionnel a censuré dans sa décision du 27 octobre 2017 l’article 230-8 du Code de procédure pénale encadrant les modalités d’effacement des données relatives aux personnes mises en cause inscrite dans le TAJ. Le conseil constitutionnel a estimé que le caractère très restrictif des procédures d’effacement anticipée existantes portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de ces personnes.
Le Conseil constitutionnel a censuré dans sa décision du 27 octobre 2017 l’article 230-8 du Code de procédure pénale encadrant les modalités d’effacement des données relatives aux personnes mises en cause inscrite dans le TAJ. Le conseil constitutionnel a estimé que le caractère très restrictif des procédures d’effacement anticipée existantes portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de ces personnes.
Le fichier TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires) a été créé par la loi du 14 mars 2011. Il fusionne les anciens fichiers de police et de gendarmerie STIC et JUDEX. Son fonctionnement est encadré par les articles 230-6 et suivants du code de procédure pénale.
La base de données du fichier est constituée de nombreuses informations personnelles recueillies lors d’enquêtes de police et de gendarmerie concernant :
En 2015, la CNIL estimait que le fichier TAJ comportait au moins 9,5 millions de fiches de personnes mises en cause.
Depuis sa création, le fichier TAJ est très critiqué en raison de son caractère extensif et potentiellement attentatoire à la vie privée.
Au-delà des difficultés liées aux erreurs affectant le fichier, les trois principaux problèmes posés par le fonctionnement du TAJ sont la durée de conservation des informations, son utilisation dans le cadre d’enquêtes administratives et le caractère extrêmement restrictif des procédures d’effacement anticipé des données.
L’article R40-27 du Code de procédure pénale prévoit en effet une durée de conservation des données relatives aux personnes mises en cause de 20 ans pour les majeurs et de 5 ans pour les mineurs. Des dérogations sont par ailleurs prévues pour certaines infractions pour lesquelles la durée de conservation est de 5 ans, 10 ans ou 40 ans.
Cette durée pose d’importantes difficultés en rasion du fait que les données enregistrées dans le TAJ ne sont pas réservées aux services de police et de gendarmerie, mais peuvent également être consultées dans le cadre d’enquêtes administratives par certaines autorités autres que judiciaires.
Une personne fichée au TAJ pendant la durée ordinaire de 20 ans pourra ainsi se voir refuser certains emplois ou agréments administratifs tant que perdure son inscription dans le fichier, même en l’absence de toute condamnation.
Si le législateur a prévu, par des réformes successives de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, une procédure d’effacement en cas d’acquittement, de relaxe, de non-lieu, ou de classement sans suite, aucune possibilité d’effacement anticipé n’existe en revanche lorsque la personne fichée a été déclarée coupable.
Toutes les requêtes en effacement du TAJ introduites par des personnes définitivement condamnées se sont ainsi heurtées, au fil des années, à un refus du parquet confirmé par les juridictions du fond.
Tant la Cour de cassation que le Conseil d’État ont par ailleurs jugé que l’article 230-8 du Code de procédure pénale dans sa rédaction actuelle excluait toute possibilité d’effacement pour les personnes condamnées.
C’est dans ces conditions que le Conseil Constitutionnel a été saisi le 1er aout 2017 d’une QPC transmise par la Cour de cassation, soulevée par un requérant définitivement condamné avec dispense de peine se heurtant à un refus d’effacement anticipé du TAJ de ses données personnelles.
La décision du Conseil constitutionnel du 27 octobre 2017
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle en premier lieu que l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Dès lors la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. (paragr. 7)
Il constate ensuite qu’aucune personne mise en cause autre que celles ayant fait l’objet d’une mesure d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite ne peut obtenir l’effacement anticipé de ses données du TAJ, en application de l’article 230-8 du Code de procédure pénale. (paragr. 9)
Il valide cependant l’existence du fichier en relevant que sa création poursuit « les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public. » (paragr. 9)
Après avoir posé les termes du débat, le Conseil constitutionnel procède ensuite à un examen du fichier TAJ au regarde des deux objectifs à valeur constitutionnelle en cause, à savoir la protection de la vie privée d’une part, et celui de protection de l’ordre public d’autre part.
Il relève ainsi que :
Au regard des caractéristiques du TAJ, le Conseil constitutionnel estime que la limitation des possibilités d’effacement aux seules personnes mises en cause ayant fait l’objet d’une mesure d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Il déclare en conséquence le premier alinéa de l'article 230-8 du code de procédure pénale contraire à la Constitution.
Pour limiter les effets néfastes d’une invalidation immédiate de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, qui priverait les personnes pouvant actuellement demander un effacement de leurs données du TAJ de la possibilité de présenter une requête en ce sens, la déclaration d’inconstitutionnalité est reportée au 1er mai 2018.
Le Conseil constitutionnel ne se prononce en revanche pas sur les aménagements à apporter au texte pour remédier à la déclaration d’inconstitutionnalité, estimant qu’il revient au législateur de définir les conditions et les critères selon lesquels les demandes d’effacement anticipé seront examinées.
Si la décision du 27 octobre 2017 doit être interprétée comme reconnaissant la nécessité de prévoir un mécanisme élargi d’effacement anticipé des données inscrites au TAJ, elle ne constitue en revanche en aucun cas la reconnaissance d’un droit automatique à l’effacement.
Le législateur dispose à présent de sept mois pour réformer l’article 230-8 du Code de procédure pénale, et y introduire une procédure d’effacement anticipé accessible à toutes les personnes mises en cause.
Décision n°2017-670 QPC du 27 novembre 2017
Crim. 26 juillet 2017, n° 16-87.749
CE, avis, 30 mars 2016, n° 395119
La base de données du fichier est constituée de nombreuses informations personnelles recueillies lors d’enquêtes de police et de gendarmerie concernant :
- toute personne mise en cause dans la commission d’un crime, un délit ou une contravention 5e classe ;
- les victimes de ces infractions ;
- les personnes disparues ou décédées de manière suspecte.
En 2015, la CNIL estimait que le fichier TAJ comportait au moins 9,5 millions de fiches de personnes mises en cause.
Depuis sa création, le fichier TAJ est très critiqué en raison de son caractère extensif et potentiellement attentatoire à la vie privée.
Au-delà des difficultés liées aux erreurs affectant le fichier, les trois principaux problèmes posés par le fonctionnement du TAJ sont la durée de conservation des informations, son utilisation dans le cadre d’enquêtes administratives et le caractère extrêmement restrictif des procédures d’effacement anticipé des données.
L’article R40-27 du Code de procédure pénale prévoit en effet une durée de conservation des données relatives aux personnes mises en cause de 20 ans pour les majeurs et de 5 ans pour les mineurs. Des dérogations sont par ailleurs prévues pour certaines infractions pour lesquelles la durée de conservation est de 5 ans, 10 ans ou 40 ans.
Cette durée pose d’importantes difficultés en rasion du fait que les données enregistrées dans le TAJ ne sont pas réservées aux services de police et de gendarmerie, mais peuvent également être consultées dans le cadre d’enquêtes administratives par certaines autorités autres que judiciaires.
Une personne fichée au TAJ pendant la durée ordinaire de 20 ans pourra ainsi se voir refuser certains emplois ou agréments administratifs tant que perdure son inscription dans le fichier, même en l’absence de toute condamnation.
Si le législateur a prévu, par des réformes successives de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, une procédure d’effacement en cas d’acquittement, de relaxe, de non-lieu, ou de classement sans suite, aucune possibilité d’effacement anticipé n’existe en revanche lorsque la personne fichée a été déclarée coupable.
Toutes les requêtes en effacement du TAJ introduites par des personnes définitivement condamnées se sont ainsi heurtées, au fil des années, à un refus du parquet confirmé par les juridictions du fond.
Tant la Cour de cassation que le Conseil d’État ont par ailleurs jugé que l’article 230-8 du Code de procédure pénale dans sa rédaction actuelle excluait toute possibilité d’effacement pour les personnes condamnées.
C’est dans ces conditions que le Conseil Constitutionnel a été saisi le 1er aout 2017 d’une QPC transmise par la Cour de cassation, soulevée par un requérant définitivement condamné avec dispense de peine se heurtant à un refus d’effacement anticipé du TAJ de ses données personnelles.
La décision du Conseil constitutionnel du 27 octobre 2017
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle en premier lieu que l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Dès lors la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. (paragr. 7)
Il constate ensuite qu’aucune personne mise en cause autre que celles ayant fait l’objet d’une mesure d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite ne peut obtenir l’effacement anticipé de ses données du TAJ, en application de l’article 230-8 du Code de procédure pénale. (paragr. 9)
Il valide cependant l’existence du fichier en relevant que sa création poursuit « les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public. » (paragr. 9)
Après avoir posé les termes du débat, le Conseil constitutionnel procède ensuite à un examen du fichier TAJ au regarde des deux objectifs à valeur constitutionnelle en cause, à savoir la protection de la vie privée d’une part, et celui de protection de l’ordre public d’autre part.
Il relève ainsi que :
- Le TAJ contient des données personnelles particulièrement sensibles ; (paragr. 10)
- Le TAJ est susceptible de porter sur un grand nombre de personnes puisqu’il vise toute personne mise en cause pour un crime, un délit ou une contravention de 5e classe ; (paragr. 11)
- La durée de conservation des données dans le TAJ n’est pas définie par le législateur, mais est fixée règlementairement entre 5 ans et 40 ans selon l’âge de la personne mise en cause et la nature de l’infraction ; (paragr. 12)
- Les données figurant au TAJ peuvent être consultées non seulement dans le cadre d’enquêtes judiciaires, mais aussi dans le cadre d’enquêtes administratives. (paragr. 13)
Au regard des caractéristiques du TAJ, le Conseil constitutionnel estime que la limitation des possibilités d’effacement aux seules personnes mises en cause ayant fait l’objet d’une mesure d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Il déclare en conséquence le premier alinéa de l'article 230-8 du code de procédure pénale contraire à la Constitution.
Pour limiter les effets néfastes d’une invalidation immédiate de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, qui priverait les personnes pouvant actuellement demander un effacement de leurs données du TAJ de la possibilité de présenter une requête en ce sens, la déclaration d’inconstitutionnalité est reportée au 1er mai 2018.
Le Conseil constitutionnel ne se prononce en revanche pas sur les aménagements à apporter au texte pour remédier à la déclaration d’inconstitutionnalité, estimant qu’il revient au législateur de définir les conditions et les critères selon lesquels les demandes d’effacement anticipé seront examinées.
Si la décision du 27 octobre 2017 doit être interprétée comme reconnaissant la nécessité de prévoir un mécanisme élargi d’effacement anticipé des données inscrites au TAJ, elle ne constitue en revanche en aucun cas la reconnaissance d’un droit automatique à l’effacement.
Le législateur dispose à présent de sept mois pour réformer l’article 230-8 du Code de procédure pénale, et y introduire une procédure d’effacement anticipé accessible à toutes les personnes mises en cause.
Décision n°2017-670 QPC du 27 novembre 2017
Crim. 26 juillet 2017, n° 16-87.749
CE, avis, 30 mars 2016, n° 395119