La diffusion de « fake news », une infraction rarement sanctionnée
Durant la présidentielle, Emmanuel Macron a été la cible de fausses nouvelles. Ce type de comportement, en théorie sanctionné par le Code électoral, donne actuellement rarement lieu à des poursuites et à des condamnations. La prise de conscience du caractère potentiellement délétère de ces fausses nouvelles entraînera cependant probablement, dans l'avenir, une recrudescence de poursuites devant les tribunaux.
François Fillon et Emmanuel Macron ont tous deux porté plainte pour diffusion de fausses informations les concernant pendant la campagne présidentielle. Le point sur une infraction aujourd’hui rarement sanctionnée.
Le débat démocratique qui entoure chaque élection repose sur la liberté des électeurs de voter, en leur âme et conscience, pour le candidat de leur choix. C’est pourquoi la sincérité du vote doit être préservée de toute interférence malveillante dont l’objet serait de discréditer frauduleusement un candidat pour empêcher son élection.
L’article L 97 du Code électoral sanctionne d’une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende « Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter ».
La répression de l’infraction reste en pratique complexe dans la mesure où, le vote étant secret, il n’est pas possible de déterminer avec certitude l’impact des fausses nouvelles sur le comportement des électeurs.
Il revient donc au tribunal correctionnel, saisi de poursuites pour diffusion de fausses nouvelles, d’apprécier d’une part si le caractère faux et malveillant des nouvelles est bien avéré et d’autre part si leur diffusion a été faite dans le but d’influencer l’élection.
Le délit étant caractérisé par le détournement effectif de votes, l’article 114 du Code électoral fixe le point de départ de la prescription au jour de la proclamation des résultats, qui ouvre un bref délai de six mois au cours duquel toute personne concernée peut déposer plainte, ou le parquet engager des poursuites.
S’il existe très peu de décisions de condamnation pour diffusion de fausses nouvelles publiées, un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1987 indique dans quel cas le délit est susceptible d’être commis.
Dans la nuit du 8 mars 1983, entre les deux tours de l’élection municipale marseillaise, alors très disputée, un véhicule explosait à proximité immédiate d’une synagogue. Dans les 48 heures suivantes, le préfet de police affirmait de manière assurée que l’enquête permettait de privilégier une piste politique et raciste, et que les personnes impliquées étaient étroitement liées à des hommes politiques de droite.
Par la suite, l’enquête ne permit pourtant d’établir aucun lien entre les mis en cause et des hommes politiques marseillais et révéla un mobile crapuleux et en aucun cas antisémite.
Plusieurs candidats de droite s’estimant lésés par la communication du préfet de police décidèrent de le citer à comparaître pour diffusion de fausses nouvelles et obtinrent en 1985 sa condamnation à une amende devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
La Cour de cassation, saisie du pourvoi du préfet de police, confirma par la suite la condamnation en relevant que ce dernier ne pouvait ignorer que ses déclarations seraient reprises par la presse, et que les fausses nouvelles ainsi diffusées avaient eu pour effet d’affecter les candidats de droite en détournant des suffrages.
Si l’article L 97 du Code électoral a depuis lors rarement été appliqué, la facilité et la rapidité avec laquelle de fausses informations peuvent aujourd’hui être créées et diffusées dans le but d’influencer les électeurs donnera probablement lieu, dans les mois et les années à venir, à un contentieux significatif et à une vigilance accrue de la part du parquet.